Liban: les voix de la destitution

Publié le par Matthieu Deprieck

Liban : les voix de la destitution
 
 

Et au milieu règne Lahoud. Depuis l’assassinat de Rafic Hariri, les luttes politiques se cristallisent autour du sort de l’actuel président libanais. Restera, restera pas ? Telle est la question qui anime l’assemblée libanaise. Et qui accessoirement dynamite une unité nationale déjà bien fragile.

 
 Calculs à l’assemblée
 

Le dialogue entre les différentes confessions (sunnites, chiites, maronites, druzes,…) a été brutalement interrompu mardi dernier après quatre journées de discussions, victime de la lutte que se mènent pro-Lahoud et anti-syriens. Les adversaires du chef d’Etat libanais n’ont plus qu’un objectif en tête : rassembler 86 députés, soit les deux tiers de l’assemblée, soit assez de voix pour destituer Lahoud. Pour l’heure, ils ne comptent dans leur rang qu’un peu plus de 70 députés … en ratissant large : Walid Joumblatt et les druzes, Saad Hariri et les sunnites, Samir Geagea et certains chrétiens. Manque une quinzaine de suffrages que les proches de l’ancien Premier ministre Michel Aoun (une vingtaine de députés) et du Hezbollah et d’Amal (35 députés) ne sont pas prêts de lâcher.

Et ce malgré les armes dégainées par les opposants de Lahoud rassemblés dans la coalition du 14 mars. Au sein de leur arsenal, une pétition dont les auteurs affirment qu'ils ont été "contraints, sous la pression et les menaces des appareils syriens et libanais", d'approuver le projet de prolongation du mandat de Lahoud. Mais la mobilisation ne prend pas.

 
 Des alliés de choix pour l’opposition
 

Empêtrée dans de vaines manœuvres et dans des calculs d’apothicaires, l’opposition libanaise peut s’appuyer sur des alliés de choix : la France et les Etats-Unis. Deux poids lourds qui pourraient faire pencher la balance du côté du clan Hariri-Joumblatt.

Dans un entretien accordé au journal saoudien Al Hayat, la semaine dernière, Jacques Chirac a rappelé l’engagement de la France « aux côtés de la communauté internationale, pour permettre au peuple libanais de recouvrer sa pleine indépendance et sa pleine souveraineté sur l’ensemble de son territoire ». Pourtant, Paris reste prudent et essaye de combattre l’ingérence syrienne sans être accusé de la même faute. A en croire la rue libanaise, c’est peine perdue. Des rumeurs, visiblement alimentées par des proches de Lahoud, selon lesquelles la France fabriquerait des sondages d’opinion pour discréditer le président, courent depuis quelques jours.

De son côté, l’opposition libanaise soutient les occidentaux, espérant qu’un engagement de leur part pourra combler le manque de députés nécessaires pour destituer Lahoud. Aussi, Saad Hariri a jugé « néfastes » les attaques contre la France. Et Walid Joumblatt revient d’un voyage à Washington, où il a appelé à la rescousse les Américains pour « protéger la démocratie libanaise en danger ».

Dans ces luttes de pouvoir, difficile de démêler le vrai du faux. Pour les partisans d’un maintien au pouvoir d’Emile Lahoud, la démocratie libanaise serait en danger si le président venait à être destitué tant le pays serait plongé dans une grande instabilité. Plus grave, cela signifierait que des pays étrangers peuvent dicter au Liban la conduite à tenir. Le chrétien libanais Georges Corm, ancien ministre des Finances, s’interroge ainsi ironiquement sur le travail de la communauté internationale : « Le Liban présente-t-il brusquement un tel danger que le Conseil de sécurité se saisisse non seulement de ses affaires intérieures, mais aussi de ses relations avec la Syrie ? »

De chaque côté, partisans et adversaires de Lahoud se renvoient la balle et comptent sur leurs dix doigts les députés manquants pour atteindre la limite constitutionnelle à la destitution du président libanais. Et dans cette opération arithmétique, les voix françaises et américaines pourraient bien compter double.

 
 
 
 
 

Publié dans Archives CFJ

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