critique Separate lies, sortie le 29 mars 2006

Publié le par Matthieu Deprieck

Chassé croisé par-delà le Channel

 

So british ! A force d’être utilisé, l’expression ne veut plus dire grand chose. La pluie est british, le bœuf à la menthe est british, le flegme est british. De tout cela, Separate lies ne conserve que le dernier élément. Et du flegme, il en faut pour accepter que sa femme (Emily Watson dans le film) parte avec le séducteur du coin (Rupert Everett, volontairement agaçant). Voici donc un signe pour qualifier ce film de british. En cherchant moins loin, on aurait pu simplement dire que le réalisateur, Julian Fellowes, est également le scénariste de Gosford park. Et si le film de Robert Altman n’est pas british, alors Pearl Harbor n’est pas american.

On ne s’étonnera donc pas de voir l’action se dérouler dans la haute bourgeoisie, à la fois en pleine campagne chic et au cœur de la city londonienne. Manquent la pluie et le brouillard pour que la carte postale soit complète. Sous le soleil du sud de l’Angleterre, trois personnages se croisent : William (Rupert Everett) et les Manning. Anne est une femme au foyer qui attend tous les soirs le retour de James, son mari (de vingt ans son aîné), et tous les week-end le séjour dans leur maison de campagne.

Une petite vie pépère soudainement bousculée par un accident. Une voiture percute un cycliste. Patatras ! tout s’écroule. Le véhicule est celui de William mais Anne est derrière le volant. La tromperie est avouée. Et le couple se brise. En plaçant une fraction d’image de l’accident dès la première seconde, Separate lies fait la part belle au décès du cycliste. Cet instant est le point de départ de l’éclatement de la vie rangée des Manning. Sauf qu’au milieu du film, la tragédie est oubliée. L’action se concentre sur les va-et-vient de Anne, entre son mari et son amant. Et ce changement de point de vue démolit la cohérence du film.

Separate lies raconte de prime abord la fragilité d’une existence superficielle, les conséquences terribles de l’incommunicabilité. Julian Fellowes montre en quoi un grain de sable peut faire dérailler une machine ronflante. Il le montre en tout cas jusqu’au moment où il décide de changer de cap. Son film devient un drame de mœurs insignifiant, banal. Dans les premières minutes du récit, la voix-off raconte que sous le verni, la réalité est parfois plus sombre. Des paroles prémonitoires. Car à la fin des 80 minutes de projection (oui, c’est un peu court … mais suffisant), on se dit que sous le verni, le propos de Separate lies est plat.

Le vernis, c’est la réalisation. Très soignée, la mise en scène détend. La lenteur n’est pas un souci, elle fait même partie de l’esthétique du film et contribue à créer une atmosphère so british (comprendre calme car les Anglais sont flegmatiques … voir les sorties de bars un samedi soir). Mais derrière la mise en scène, il ne reste plus grand chose.

Non pas que Separate lies soit désastreux ou creux, il est juste plat et manque de cruauté, de noirceur. Le sujet réclame un peu plus d’énergie dans les moments de désespoir. L’acteur principal, Tom Wilkinson, a beau serrer les dents, froncer les sourcils, son fatalisme face au départ de sa femme agace. Quand je vous parlais de flegme britannique…

Publié dans Critiques cinéma

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article