critique On est bien peu de chose, sortie le 29 mars 2006

Publié le par Matthieu Deprieck

Le jeu de l’amnésie et du hasard
 

Et si le spectateur avait fait une mauvaise chute, qu’il avait perdu la mémoire, tout comme le héros de On est bien peu de chose. C’est dans cet état que nous plonge ce film turc. Nous voici dans un chaos où toutes les réalités (langage, comportements, réactions) subissent le contrecoup de l’amnésie d’Ali. Et les proches du jeune homme vont devoir apprendre à vivre après cet accident.

Ici, point de dramatisation, point de spectaculaire. Tout ce chambardement prend place dans la folie de tous les jours sur un ton fantaisiste et allègre. Un peu comme si Jacques Tati avait consommé des acides. La famille et les amis d’Ali remuent pieds et mains, se bousculent, se rabibochent. Ils s’agitent dans leur coin, vivent leurs histoires sans se soucier de celles qui agitent le voisin. Jusqu’au moment où ils se retrouveront dans une même pièce pour se rendre compte que tous les chemins mènent à Ali, gentil bonhomme un peu gauche.

L’un (le père) s’inquiète que l’amnésique ne l’appelle plus papa, l’autre tente de perdre son chien bien-aimé, source de son allergie, pendant qu’un autre encore cherche à remettre la main sur une bague de fiançailles disparue lors du cambriolage d’une bijouterie qu’Ali est accusé d’avoir commis pendant qu’il chutait d’un pommier et perdait la mémoire. Des histoires extraordinaires de la vie quotidienne.

Dans ce film foutraque, le cinéaste turc Reha Erdem évoque la vie, cet endroit où les êtres humains se croisent. On rentre dans le film sans repère, sans sens de l’orientation. Difficile de saisir l’unité, les liens entre les saynètes. Passé l’étourdissement des premières minutes, on respire, on commence à savourer ces délicieux instants. Il faut admettre qu’un cinéma puisse nous surprendre, puisse ne pas utiliser la grammaire visuelle en vigueur dans nos pays. Voici un film rafraîchissant, empreint d’un profond humanisme où les personnages bien que pleins de travers peuvent être affectueux.

Si l’on est bien peu de chose, c’est qu’il y a autour de nous des événements qui bousculent sans cesse l’ordre des choses. Les personnages du film ne s’acharnent pas à établir un emploi du temps rigide, à découvrir le mécanisme du hasard. Ils le laissent pénétrer dans leurs vies, s’en accommodent et profitent des moments oniriques qu’il offre. Et puis finalement, c’est par le désordre que vient l’ordre.

Alors oui, l’entrée ne matière est difficile, le propos obscur mais ce n’est jamais un effort vain que de surmonter l’incompréhension. Car on ressort des deux heures de projection avec le sentiment d’en avoir appris bien plus sur la société turque que lors d’un documentaire intitulé (par exemple) La Turquie est-elle européenne ? Question stupide car avec On est bien peu de chose, on comprend que la Turquie n’est pas européenne. Elle est elle-même avec toutes ses curiosités, ses couleurs, ses gueules. Et que, à défaut d’en faire profiter l’Europe, elle en fait profiter le cinéma.

Publié dans Critiques cinéma

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V
un film turc? encore un film chiant à mourir pour intellos. je déconne c'est peut-être intéressant<br /> a voir pourquoi pas
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